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Paris, à la portée de toute la jeunesse francilienne !

Sortie jeunes Savigny le Temple

Interview de Fahmi Drissi

Issu du milieu associatif, Doctorant en politique éducative et père de 4 enfants, Fahmi Drissi est depuis six ans Directeur des services à la Jeunesse dans la ville de Savigny-le-Temple en région parisienne. Également président du Centre Information Jeunesse de Seine et Marne (CIJ77), il est engagé depuis de nombreuses années auprès des jeunes. 

Militant, soucieux de déconstruire les clichés associés à la jeunesse de banlieue, il se confie sur son métier et la manière ​​dont les séjours qu’il organise à Paris pour les jeunes de Savigny-le-Temple au sein de l’Auberge de jeunesse MIJE Fourcy sont un formidable moyen de faire bouger les lignes

Quelle est votre mission au sein de la direction des services à la Jeunesse de Savigny-le-Temple ?

Fahmi Drissi : Ma mission principale est de développer une politique éducative pour la jeunesse de la ville. Je travaille avec différents professionnels, animateurs et informateurs jeunesse, mais aussi avec un panel de partenaires pour développer des actions intéressantes et répondre aux différents enjeux liés à la jeunesse à Savigny. Il y a d’un côté les attentes de ces jeunes âgés de 11 à 25/30 ans, ce qu’ils vont exprimer en termes d’envies de loisirs, de sorties, de consommation. Et il y a les besoins de ces jeunes sur lesquels nous, professionnels, allons travailler sur la base de notre expertise et expérience. Si on se limite à leurs besoins, on les perd, mais on ne peut pas non plus se limiter aux attentes, sinon il n’y a pas de dimension éducative. L’objectif pour nous va être d’être à leur écoute mais de dépasser les attentes.

Quels types d’actions développez-vous ?

Nous réalisons différentes actions et interventions dans les collèges de la ville. Il y a bien sûr les activités que l’on retrouve dans l’ensemble des structures qui accueillent la jeunesse avec des jeux, des activités scientifiques et culturelles. Nous réalisons aussi des ateliers de prévention du décrochage scolaire, en collaboration avec les enseignants qui vont nous adresser certains élèves.

Cette année nous avons mené trois ateliers, notamment un avec L’Empreinte, qui est une scène culturelle labellisée. De nombreux professionnels évoluent dans cette structure (directeur, techniciens, ingénieurs du son, chanteurs, musiciens etc.) et nous avons pu présenter aux élèves l’ensemble de ces professions. Mais l’objectif est aussi d’élargir le champ des possibles, de réduire la distance entre ces jeunes et une structure telle que celle-là. Nous voulons leur donner envie de consommer de la culture.

L’enjeu est de valoriser ces jeunes en risque de décrochage, de faire en sorte qu’ils se sentent utiles. On veut leur montrer qu’ils sont capables de réaliser des choses en étant assidus et soumis à des règles de collaboration avec leurs pairs. Pour cela nous mettons du matériel à leur disposition et les accompagnons sur des temps dédiés, pour créer une émission de télé, faire un podcast radio. L’année dernière, un atelier réalisé dans un des collèges de la ville a débouché sur la création d’un court-métrage sur la thématique du harcèlement. Cette vidéo va être valorisée et présentée à tous les élèves de Savigny-le-Temple par les jeunes eux-mêmes.

“Je ne voudrais pas qu’un jeune grandisse en se mettant des barrières.”

Quelle est la place des séjours dans cette politique à destination de la jeunesse ?

Le séjour c’est vraiment le nec plus ultra de l’animation. Le seul moment où le jeune va s’extraire de son environnement familial et de sa zone de confort mais aussi le seul moment où nous, éducateurs, allons être en relation constante et permanente avec lui. L’impact éducatif est décuplé et les séjours, s’ils sont évidemment une opportunité pour les jeunes, sont également un énorme levier de montée en compétence pour les animateurs.

Comment est née votre envie d’organiser des séjours à Paris avec les MIJE ? 

J’avais depuis longtemps une réflexion sur le rapport que nos jeunes qui vivent en zone périurbaine entretiennent avec la capitale. Nous y venons régulièrement au cours de l’année pour des sorties à la journée, ou en transit pour rejoindre nos lieux de séjour habituels. Mais jusqu’ici, l’opportunité d’y rester, d’y dormir, ne s’était pas présentée. Je n’avais pas encore trouvé le levier ! Et puis il y a trois ans, alors que j’étais à la recherche d’un partenaire pour organiser des séjours à Paris, j’ai fait la connaissance d’Inès Mesplier lors des Rencontres nationales des professionnels et élus de la Jeunesse de Vichy. Elle m’a présenté l’association et nous avons eu un très bon contact.

A quoi ressemblent ces séjours ?

Nous avions bien sûr une contrainte budgétaire mais ces séjours ne sont pas très onéreux, notamment grâce au prix peu élevé de l’hébergement. Les jeunes ont été impliqués dans la préparation des séjours, y compris dans cette partie budgétaire justement. Nous avons choisi un format court, comme une manière de dire aux jeunes : “Carpe diem, ça va être court, profitez-en !”.

Ces séjours sont labellisés “Colos apprenantes”, il y a donc une dimension à la fois culturelle et éducative. L’objectif est de faire la démonstration que Paris est une mine d’or de lieux ressources mais aussi de développer une forme d’appétence de la mobilité vers Paris. On veut les rendre accros à la capitale ! Ils sont allés au Louvre, au musée du Quai Branly, au château de Vincennes. Nous les avons emmenés faire une croisière sur la Seine, voir le Parc des Princes, la Tour Eiffel et le Trocadéro bien sûr. Les jeunes se sont beaucoup promenés et nous avons favorisé la marche autant que possible au lieu des transports en commun.

J’ai aussi demandé à mes directeurs d’utiliser les ressources de la capitale au niveau gastronomique et culinaire, d’ajouter de l’exotisme au séjour. Il y a une telle variété de restaurants à Paris ! Ils sont allés dans des restaurants africain, brésilien, marocain, israélien. Tous n’ont pas les moyens de le faire habituellement, alors nous les avons faits voyager sans quitter Paris.

Qu’est-ce qu’un séjour à Paris peut apporter à ces jeunes qui, pour une immense majorité d’entre eux, n’y vont jamais ?

Je ne voudrais pas qu’un jeune grandisse en se mettant des barrières, nous voulons leur montrer qu’ils peuvent avoir accès à tout, pouvoir prétendre à ce mode de vie, accéder à ces loisirs, à ces lieux culturels. C’est la dimension militante de mon travail. Leur permettre de dormir à Paris, d’y séjourner, est aussi un moyen de réduire les discriminations, les mécanismes d’empêchement qui peuvent opérer sur certains parcours de vie. Favoriser la réussite des jeunes cela passe aussi par ça.

Je veux qu’ils passent devant la Sorbonne, devant Sciences Po et qu’ils se disent “Pourquoi pas moi ?”. Nous voulons leur donner envie de revenir mais aussi déconstruire ce phénomène de reproduction sociale, nous devons lutter contre tout ça.

“Faire entrer les jeunes dans ce genre de lieu, c’est déjà gagné en quelque sorte”

En quoi l’association MIJE répond-elle justement à cet objectif ?

L’auberge Fourcy en elle-même répond très naturellement à ces enjeux de militantisme. Lorsqu’on pousse le portillon on arrive dans une cour magnifique, très parisienne. Faire entrer les jeunes dans ce genre de lieu, c’est déjà gagné en quelque sorte. La hauteur sous plafond, les poutres, la cantine avec les voûtes, tout cela permet à nos jeunes de s’imaginer être parisiens le temps du séjour. L’auberge est vraiment magnifique, tant dans son architecture que son agencement. Son fonctionnement, les chambres, la disposition des lits, tout cela répondait également parfaitement à nos besoins en tant que professionnels de la jeunesse.

Comment les jeunes ont-ils vécu ces séjours à Paris ? Quels ont été leurs retours ?

Au départ l’adhésion a peut-être été moins naturelle. Sur le papier, un séjour à Paris l’été est moins excitant qu’un voyage dans les Alpes ou au bord de la mer. Mais au retour le bilan était extrêmement positif. Tous ont dit que le séjour avait été magnifique… mais trop court ! A partir du deuxième séjour il y a eu une liste d’attente et un véritable engouement. Aujourd’hui tout le monde est conquis.

On a vraiment envie de proposer d’autres formats, un peu plus longs, pourquoi pas aussi pendant l’année. Nous habitons près de Paris et c’est une véritable mine d’or que nous avons à disposition et qu’il faut exploiter. L’association MIJE m’a aidé à concrétiser ce rêve que j’avais depuis longtemps et je ne compte pas m’arrêter là. Nos jeunes ont besoin qu’on leur offre cette opportunité, ils méritent qu’on leur mette des étoiles plein les yeux.

Un grand merci à Fahmi Drissi pour sa disponibilité et pour les actions qu’il mène auprès des jeunes.

+33 (0)1 42 74 23 45
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